Un article de Nolwenn Le Blevennec, France Soir, jeudi 26 mars 2009
" Le logement des seniors est l’un des thèmes retenus, à partir de jeudi et jusqu’à samedi, par le 11e Salon des seniors. L’occasion pour nous d’évoquer un phénomène qui touche cette population : la discrimination à la location. Marie-Claude (*), 61 ans, reçoit un salaire confortable de 3.300 euros net par mois. Elle travaille au ministère de la Culture. « Je suis célibataire et je ne fais pas de bruit », précise-t-elle, en bonne élève. Marie-Claude doit déménager mi-avril. Elle pensait vraiment trouver une autre location, facilement. Mais, ces dernières semaines, son dossier a été rejeté plusieurs fois. Deux fois pour la même raison : « trop vieille ». « Je n’aurais jamais imaginé que ce soit possible », dit-elle. Et Marie-Claude de s’inquiéter : « La dernière fois, le bailleur a préféré prendre un couple d’infirmiers qui gagnaient, à deux, la même chose que moi. Je commence à me décourager. »
Ouriel Bennaim, directeur d’une agence Orpi, connaît bien le problème : « J’ai, en ce moment, une cliente de 68 ans qui a beaucoup de mal à trouver un logement à cause de son âge. » Pierre Moreau, directeur d’une agence immobilière à Paris, renchérit : « Les vieux, c’est comme les personnes de couleur, c’est de plus en plus difficile de leur trouver une location.
La Haute Autorité pour la lutte contre la discrimination (Halde) commence, elle, tout juste à appréhender le phénomène. « Nous avons mis du temps à réaliser, nous pensions toujours que le rejet était une question de revenu ou d’origine. Mais, cette année, des dossiers très spécifiques sont arrivés. Nous avons découvert que la discrimination des seniors, dès 65 ans, était une pratique très répandue, que tout le monde connaissait », analyse Fabien Dechavanne, chef du pôle « Biens et services » à la direction juridique de la Halde. En ce moment, de plus en plus de seniors se disent victimes de cette pratique. « A cause de la crise », s’avance Ouriel Bennaim. Peut-être aussi parce qu’il y a plus de demandes : les seniors baby-boomers sont plus mobiles que leurs parents.
Ce n’est pas du « racisme anti-vieux ». Fabien Dechavanne explique le phénomène : « C’est en fait un effet non voulu de la loi Mermaz, qui date de 1989. » L’article protège les personnes âgées d’une expulsion trop brutale. Un locataire âgé de plus de 70 ans qui a de faibles ressources ne peut être délogé que si le propriétaire lui trouve un appartement de remplacement, « situé dans le voisinage ». Cette loi, Fabien Dechavanne la juge bien faite, mais mal interprétée : « Les agences immobilières et les propriétaires comprennent à partir de 65 ans, l’expulsion n’est plus possible, donc ils refusent de louer. » En cas de discrimination avérée, il faut contacter la Halde, constituer un dossier contenant des preuves (témoignages, enregistrements). Si le dossier est assez solide, le locataire peut espérer recevoir des indemnités de l’ordre de trois fois le montant du loyer. "
(*) Le prénom a été changé.
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