Tandis qu’il existe en anglais de nombreux livres sur l’âgisme (notamment parce que les Américains travaillent sur tous les types de discriminations), il n’y en avait jusqu’ici aucun en français.
Cette absence, révélatrice, n’est désormais plus totale : les presses de l’université de Laval, au Québec, viennent de publier un excellent ouvrage collectif sur le sujet.
Le mieux, pour le découvrir, est d’en parcourir l’introduction, qui présente, chapitre après chapitre, les différentes dimensions abordées dans le livre.
L’Âgisme : comprendre et changer le regard social sur le vieillissement
Dirigé par Martine Lagacé (université d’Ottawa)
Presses de l’université Laval, 2010.
Introduction (Martine Lagacé)
« Car c’est notre regard qui enferme souvent les autres dans les plus étroites appartenances et c’est notre regard aussi qui peut les libérer. » Cet extrait d’un ouvrage d’Amin Maalouf (Les Identités meurtrières (1998, p.29) exprime avec la plus grande lucidité le pouvoir réducteur tout autant que captif des stéréotypes. Ainsi, lorsque le regard sur l’autre est teinté de fausses croyances et de préjugés généralisés, il empreinte la voie pernicieuse des stéréotypes et emprisonne cet autre dans des schèmes de pensées dont les frontières sont imperméables. Mais lorsque le regard laisse entrevoir l’unicité, la singularité de l’autre, il est alors libérateur. À la source du présent ouvrage, une réflexion sur le regard, précisément, le regard posé sur le processus du vieillissement, sur l’état de la vieillesse et sur la place ainsi que le rôle des aînés dans nos sociétés contemporaines. Cette réflexion a été guidée par le souhait implicite qu’exprime Maalouf dans l’extrait ci haut : faire le constat, sans détour, que si le regard actuel sur les aînés est par trop souvent teinté de fausses croyances et de préjugés, la démarche même de faire un tel constat peut constituer le premier pas pour changer ce regard.
Or, comment se traduit le regard actuel sur le vieillissement et sur les aînés ? Quand il n’est pas foncièrement négatif, ce regard est à tout le moins des plus ambivalents. Vieillir dans les sociétés occidentales est en effet pour plusieurs un processus à éviter, à tout le moins, à contrôler à tout prix. Un paradoxe des plus étonnants d’ailleurs, en ce que le contexte démographique favorise comme jamais dans l’histoire l’accroissement de la longévité et génère forcément un vieillissement de la population. Pour autant, le regard, la représentation du vieillissement et des aînés restent en décalage face à cette progression au plan de l’espérance de vie. En effet, plusieurs études montrent que plus souvent qu’autrement, les aînés sont perçus (entre autres) comme des personnes gentilles et fiables tout autant que des personnes confuses, lentes, malades, résistantes aux changements, déprimées…Dans les organisations, le travailleur âgé doit aussi faire face à des croyances décalées en ce qui a trait à sa capacité d’apprendre et de se renouveler, à sa motivation et à sa productivité par rapport à celles de ses plus jeunes collègues. Faut-il alors s’étonner des réactions de négation et d’évitement face au vieillissement ? Faut-il aussi se surprendre que par extension, ces représentations ouvrent la voie à la marginalisation, voire à la discrimination des aînés ?
Le gérontologue Robert Butler a été le premier chercheur à évoquer le concept d’âgisme, en se référant à un processus par lequel une personne est stéréotypée et discriminée en raison de son âge (1968). Depuis cette initiative de Butler de conceptualiser l’âgisme, plusieurs études ont permis de montrer que si les jeunes comme les adultes peuvent en être la cible, la réalité tend à montrer que ce sont les aînés qui le plus souvent, en font les frais. En outre, quoique l’âgisme partage avec le racisme et le sexisme d’étroites ressemblances (il s’articule sur une même logique visant l’exclusion d’un individu ou d’un groupe sur la base d’un critère), il s’en distingue cependant en ce qu’il est, dans une large mesure, toléré, à tout le moins, il est peu dénoncé. Conséquemment, ses manifestations tout autant que ses répercussions ne sont pas suffisamment documentées. D’où la pertinence de la réflexion que nous menons dans le présent ouvrage. Il s’agit de circonscrire l’âgisme, depuis la façon (parfois très stéréotypée) dont sont représentés le vieillissement et les aînés jusqu’aux répercussions psychologiques, sociales et économiques de telles représentations, à la fois sur les aînés comme sur celles et ceux qui sont en lien avec eux.
Cet exercice de réflexion, auquel se sont livrés plus d’une dizaine de chercheurs de la francophonie, est en outre essentiel au regard des nombreuses études suggérant des effets foncièrement délétères de l’âgisme sur les aînés. Ces effets se traduisent notamment par une fragilisation de la santé psychologique des aînés mais également par un processus de désengagement, de retrait des différentes sphères sociales. Par exemple, c’est le travailleur âgé qui, face à la blessure de l’image négative qu’on lui renvoie en raison de son âge, se désengage de son milieu de travail, d’abord de manière virtuelle puis, de manière bien réelle. À cet égard, une question légitime se pose : combien de décisions de retraites « anticipées » ont-elles été guidées par un tel processus et par ricochet, dans quelle mesure ces décisions étaient-elles profondément réfléchies et volontaires ? L’effet pernicieux de l’âgisme, c’est aussi le désengagement de l’aîné dont l’autonomie est vulnérabilisée. Celui-ci réagit à la blessure des préjugés âgistes (particulièrement notoires en ce qui a trait aux aînés en situation de fragilité) en s’auto- marginalisant, en acceptant de fait, de se mettre en voie d’accotement, croyant n’avoir plus rien à offrir à la société. Ces réactions de désengagement ont ceci de sournois (en plus d’être dommageables pour l’aîné) qu’elles confirment en quelque sorte, la légitimité des stéréotypes âgistes. En effet, lorsque l’aîné intériorise les fausses croyances sur le vieillissement et les reproduit ensuite dans son propre comportement, il génère, sans le vouloir certes, un renforcement de ces croyances. Quelles pertes alors pour l’ensemble de la société qui se prive de l’expertise, du savoir faire et surtout du savoir être des travailleurs âgés tout autant que de l’ensemble des aînés. Car rappelons-le, dans le contexte de pénuries de main d’œuvre mais également dans celui où il est essentiel de construire des ponts et points de repères entre les générations, la mise à l’écart des plus vieux apparaît comme complètement paradoxale…
L’intégration des stéréotypes sur la base de l’âge par l’aîné ouvre non seulement la voie du désengagement mais aussi celle d’une forme de banalisation de l’âgisme. Et c’est là la véritable puissance des stéréotypes et de la discrimination : lorsque ceux-ci ne sont pas dénoncés, ils apparaissent comme étant des phénomènes « naturels ». Pour preuve, les messages d’humour sur l’âge, certes dénigrants, voire dégradants, sont pourtant largement répandus. Les cartes de souhait d’anniversaire en sont la plus belle démonstration. Pourrait-on imaginer des cartes de souhait à contenu ouvertement raciste ou sexiste ? Devant l’âgisme cependant, règnent l’indifférence, voire même, le silence. Cette non reconnaissance des préjugés et de l’exclusion sur la base de l’âge se reflètent même dans le milieu de la recherche scientifique où les évidences et la prévalence de l’âgisme sont parfois remises en question. D’ailleurs, la démarche même du présent ouvrage a suscité, chez certains chercheurs, un questionnement, un doute : l’âgisme serait-il à ce point omniprésent dans nos sociétés contemporaines et ses conséquences aussi délétères qu’on le prétend ?
C’est précisément pour éviter la banalisation de l’âgisme, rendue possible par un phénomène de non reconnaissance, voire même d’acceptation de cette forme d’exclusion que le présent ouvrage trouve toute sa raison d’être. L’objectif, comme nous l’avons évoqué plus haut, est de circonscrire les manifestations d’attitudes et de comportements âgistes tout autant que leurs multiples conséquences. Pour ce faire, il importe de saisir, au préalable, les sources de l’âgisme. Ces sources, elles résident notamment dans les représentations, les images, les évocations entourant le vieillir et la vieillesse, qui elles-mêmes se nourrissent des stéréotypes de l’âge. Conséquemment, le premier pas pour contrecarrer l’âgisme, consiste, d’abord et avant tout, à dire et à saisir ces stéréotypes. C’est à cette tache qu’est consacrée la première partie de cet ouvrage.
Le discours des médias sur le vieillissement ainsi que les images qu’ils en véhiculent peuvent parfois constituer de puissantes courroies de transmission des stéréotypes âgistes. Dans un exercice de décryptage des mots, des expressions et des illustrations des aînés, Jérôme Pellissier, Secrétaire de l’Observatoire de l’âgisme en France, montre que les médias contemporains peuvent en effet être de puissantes fabriques de stéréotypes. Les clichés oscillent entre le « fléau » démographique que sous-tend le vieillissement de la population et, par ricochet, la « catastrophe » économique qui en résulte : à commencer par la hausse en flèche des coûts des soins de santé et le pompage des caisses de retraite. Le caractère foncièrement négatif de ces regards caricaturaux du vieillissement et de l’aîné n’est pas innocent. Il génère, voire nourrit, selon l’auteur, une fausse guerre des générations et pire encore, risque de conduire à la haine de soi pour l’aîné qui intériorise de tels regards.
La publicité pose aussi le problème des stéréotypes âgistes. Dans ce cas, l’exclusion sur la base de l’âge se manifeste de manière des plus explicites, tout simplement par l’« invisibilité » des aînés. En effet, dans son analyse de la représentation du vieillissement, le chercheur Luc Dupont fait le constat d’une quasi-absence des gens âgés dans la publicité, lesquels représenteraient environ 15% de la totalité des modèles publicitaires. En revanche, lorsqu’ils sont présents, les aînés sont dépeints, plus souvent qu’autrement, comme des êtres dont la contribution est sans importance et dont l’individualité est gommée par une vision homogène du vieillissement, traduisant ainsi une seule façon, un seul modèle du vieillir.
Impossible d’évoquer les représentations du vieillissement et de l’aîné dans les médias et la publicité, en passant sous silence l’image cinématographique. Le cinéma est certainement, comme le souligne Denis Bachand dans son chapitre, « un lieu privilégié d’observation de l’aventure humaine depuis la naissance jusqu’à son inéluctable achèvement ». L’auteur entreprend une analyse exploratoire de sept films québécois (documentaires et fictions) dont certains dépeignent une image d’espoir quant au vieillir alors que d’autres traduisent un regard des plus pessimiste. Le cinéma québécois s’avère d’ailleurs un terrain tout indiqué dans une démarche de réflexion sur les stéréotypes de l’âge en ce qu’il a très tôt manifesté une préoccupation pour la question du vieillissement.
Dans le texte intitulé De l’âge et du désir , l’auteur Florian Grandena poursuit cette incursion dans le cinéma francophone et son regard face à la vieillesse en analysant cinq productions françaises. Quoique, constate l’auteur, le cinéma français soit marqué par une certaine ouverture sur la diversité depuis les deux dernières décennies, la vieillesse demeure, plus souvent qu’autrement, en marge de cette diversité. L’étouffement du désir et de l’expression de toute forme de sexualité chez les personnages aînés à l’écran traduit d’ailleurs puissamment leur mise en voie d’accotement à ce chapitre. L’auteur montre cependant qu’un certain progrès, un changement des mentalités semblent s’opérer lentement mais sûrement dans le cinéma français : certaines de ces productions osant remettre en question parmi les plus puissants stéréotypes âgistes, soit ceux de la non-sexualité et de l’assexualisation des aînés.
La partie I du présent ouvrage se termine par une réflexion essentielle portant sur la présence d’indicateurs d’âgisme dans le domaine de la recherche, précisément de la recherche en sciences sociales. Nous considérons en effet cette réflexion essentielle parce que le regard des chercheurs sur le vieillissement est porteur de leurs propres valeurs, de leur propres biais face à ce phénomène. A son tour, la recherche peut servir de base aux décisions politiques et en ce sens, comporte le risque d’introduire ou de renforcer l’âgisme dans les pratiques. Jean-Pierre Thouez passe en revue quelques travaux empiriques en sciences sociales et montre, par le biais de certains critères théoriques et méthodologiques qui sont utilisés par les chercheurs, que la notion de vieillesse demeure largement considérée comme un « problème » et les aînés, trop souvent dépeints comme un groupe « homogène ».
La seconde partie du présent ouvrage vise à circonscrire les croyances et pratiques âgistes dans des sphères psychosociales précises, notamment celles concernant les relations d’aide et de soins entre les professionnels de la santé et les aînés. Ce faisant, nous passons en revue les représentations, les stéréotypes, les regards stigmatisant que peuvent parfois entretenir les professionnels de la santé a l’égard des aînés mais également leurs répercussions en termes de pratiques de soins. Il peut sembler paradoxal de penser que la relation d’aide et de soins à l’ainé soit teintée d’âgisme, particulièrement dans le contexte d’une population vieillissante. Par définition, la relation d’aide a pour but d’améliorer le bien-être physique tout autant que psychologique d’un individu. Or, c’est oublier que cette relation d’aide est largement dérivée de la culture sociale dans laquelle elle s’inscrit. Et cette culture, nous le constatons dans la première partie de l’ouvrage, demeure peu valorisante pour l’aîné, son rôle et sa place dans une société. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’aux chapitres des soins de santé, des professionnels qui les prodiguent et plus globalement, de la relation soignant-soigné, des progrès importants restent à faire.
Dans le premier chapitre de cette seconde partie, le chercheur Yves Joannette et ses collègues abordent la question du vieillir d’un point de vue médical, précisément dans une perspective physiologique. Les auteurs relèvent les nombreux mythes entourant le vieillissement physiologique, à travers lesquels ce processus est associé uniquement, voire exclusivement à un « déclin ». En outre, ces auteurs, tout en ne niant pas les changements du corps comme du cerveau à travers l’avancement en âge font, du même coup, la démonstration que les notions de « progrès », de « compensation » sont à toutes fins pratiques, évacuées de la représentation du vieillir physiologique. La réflexion menée dans ce chapitre permet donc, dans une certaine mesure, de mettre en doute l’équation stéréotypée et des plus tenaces : vieillir = déclin.
Lorsque les professionnels de la santé intériorisent les images sociétales négatives sur le vieillissement, la qualité des soins prodigués aux aînés est sans aucun doute mise en péril. Dans un contexte de vieillissement de la population actuel comme futur, il s’avère important de saisir quelles sont les représentations, les croyances et les attitudes entretenues par les futurs professionnels de la santé face aux personnes aînées. Jean Vézina montre qu’énormément de travail reste à faire à cet égard. À titre d’exemple, l’auteur souligne, dans son chapitre portant sur les attitudes des étudiants universitaires du domaine de la santé envers les personnes âgées, que « seulement deux pour cent des jeunes médecins mentionnent vouloir travailler auprès d’une clientèle âgée. » Parmi les facteurs expliquant potentiellement les attitudes sinon négatives, à tout le moins ambivalentes des nouvelles cohortes des travailleurs de la santé face au aînés, l’auteur souligne l’insuffisance, voire l’absence de formation adéquate en ce qui a trait à la thématique du vieillissement.
Dans la continuité de cette réflexion sur l’âgisme et les professionnels de la santé prodiguant des soins, Anne Bourbonnais et Francine Ducharme discutent de l’influence de certaines valeurs et croyances sur ces professionnels, comme la productivité, l’indépendance et les craintes face à la mort, qui peuvent conduire à la stigmatisation des personnes âgées, particulièrement les plus vulnérables. Plus encore, elles remettent en question certains modèles du vieillissement « en santé », lesquels contribuent à mettre l’accent sur une responsabilité individuelle face aux déficits de certains aînés et de ce fait, nourrissent l’âgisme.
La stigmatisation sur la base de l’âge peut parfois se juxtaposer à d’autres stigmas générant ainsi un cumul d’effets dénigrants sur la santé tant physique que mentale d’une personne. Les individus dont le parcours est marqué par des troubles de santé mentale font souvent les frais de l’exclusion et de la discrimination. L’aîné souffrant de tels troubles est alors à risque d’une double disqualification∕stigmatisation. Pourtant, les personnes âgées souffrant de troubles mentaux graves constituent une population peu évoquée, que ce soit en recherche ou dans la pratique des soins de santé. Ce constat est à la base de la réflexion menée dans le chapitre de Bernadette Dallaire et ses collègues. Les auteurs explorent notamment les représentations sociales et professionnelles entourant les aînés souffrant de troubles mentaux graves et tracent un portrait de la situation en ce qui concerne les services de santé qui leurs sont dispensés.
Il aurait été impensable de clore ce volet sur les soins aux personnes âgées sans aborder la délicate question de l’éthique en lien avec le thème de l’âgisme qui guide le présent ouvrage. Dans le contexte actuel des pratiques de soins, des écoles de pensées s’affrontent toujours sur la question du vieillissement dans une perspective médicale et sur la question du « sens » du vieillissement, élaborée depuis une perspective anthropologique. Ces écoles de pensée influencent forcément la dispensation des soins tout autant qu’elles nourrissent de nombreux débats (notamment celui sur le critère de l’âge pour limiter les traitements à dispenser). Le chercheur Hubert Doucet présente, de manière critique, ces écoles de pensées et propose, dans son texte, quelques orientations à privilégier dans les soins aux personnes âgées : entre l’abandon et l’acharnement, privilégier l’accompagnement, souligne-t-il.
Le monde du travail est influencé par la culture sociétale dans laquelle il évolue. En ce sens, il est imprégné, du moins en partie, des valeurs, des croyances entourant le vieillissement et à ce chapitre forcément, des défis, sinon des obstacles restent à relever. L’âgisme au travail est un véritable enjeu et pourtant, quand on le compare à d’autres formes d’exclusion, comme le sexisme ou le racisme, il est pratiquement tenu sous silence, à tout le moins peu dénoncé. Une situation des plus paradoxale dans un contexte où de nombreux secteurs de travail font et feront face à des pénuries de main-d’œuvre et où cette main d’œuvre se fait de plus en plus vieillissante. Cette troisième partie de l’ouvrage propose une réflexion sur l’âgisme au travail et ce, dans une perspective sociologique, psychologique et économique. Précisément, les manifestations de l’âgisme au travail sont explorées tout autant que leurs répercussions coûteuses pour la société, pour l’entreprise et pour le travailleur.
Dans un exercice de comparaison entre l’Europe continentale, les pays scandinaves, l’Amérique du Nord et le Japon, Anne-Marie Guillemard montre que les configurations politiques de ces pays génèrent deux cultures de l’âge, pratiquement à l’opposé à l’une de l’autre : soit une culture de l’âge basée sur l’idée de cessation anticipée d’activité, soit une autre, où prime le droit au travail à tout âge. La première engendre forcément une fragilisation, une dépréciation du travailleur avançant en âge et ce faisant, favorise son exclusion ; en revanche, la seconde encourage un vieillissement actif et surtout une reconnaissance de l’apport du travailleur âgé quant à la vitalité et la productivité de l’entreprise. Pour sortir de la logique sous-jacente à la culture de sortie précoce, l’auteur en appelle à la création de nouveaux instruments qui soient adaptés aux réalités contemporaines, soit celles d’une société où les connaissances sont mondialisées et où les temps sociaux sont flexibilisés.
La stigmatisation et la marginalisation âgistes sont coûteuses non seulement pour la société et l’entreprise mais inévitablement pour le travailleur qui en est la cible. Dans le deuxième chapitre de cette thématique de l’âgisme au travail, les auteurs Martine Lagacé et Francine Tougas montrent, depuis une approche psychologique, que les stéréotypes sur la base de l’âge fragilisent l’équilibre psychologique du travailleur avançant en âge : ce travailleur réagit à l’âgisme par un processus de désengagement virtuel, lequel mine son estime de soi et l’incite ensuite à un départ réel. En outre, les auteurs suggèrent, sur la base de résultats d’études antérieures, que la communication organisationnelle pourrait être l’un des tenants de l’âgisme au travail. Mettre fin à cette forme d’exclusion, exige, soulignent les auteurs, une approche choc, de type « tolérance zéro » à laquelle souscriront pleinement les dirigeants d’entreprises.
Le dernier chapitre de l’ouvrage consiste à quantifier les coûts de l’âgisme en milieu de travail. Il est en effet plausible de penser qu’en souscrivant à ce processus d’exclusion sur la base de l’âge, les entreprises s’auto-pénalisent et mettent même en péril leur survie à long terme en se privant de l’engagement et de la connaissance des travailleurs les plus expérimentés. Mais combien coûte précisément l’exclusion de ces travailleurs ? Le chercheur Marcel Mérette effectue une première estimation du coût de l’âgisme au travail dans le contexte canadien. Une telle mesure de l’impact économique des sorties anticipées du travail est tout à fait pertinente sachant que, bien que la littérature sur l’âgisme soit relativement étoffée, très peu d’études s’intéressent à ses effets économiques. En outre, nous espérons que cet exercice d’estimation en dollars de l’impact de l’âgisme en milieu de travail, actuel comme futur, pourra contribuer à convaincre entreprises, syndicats et gouvernements d’agir. "
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