J’ai choisi de ne plus du tout utiliser les expressions « personne âgée » / "personnes âgées" et de leur préférer les formes « personne âgisée » / "personnes âgisées".
Pour de nombreuses raisons.
Notamment :
Parce que le mot « âgé » a un sens : doté d’un âge. Une personne âgée, c’est donc une personne dotée d’un âge, bref, c’est toute personne. Comme une « personne de couleur », c’est une personne ayant une couleur de peau, donc toute personne.
Restreindre l’usage de « personne âgée » ou de « personne de couleur » à une catégorie particulière de personnes, c’est donc frôler d’être juste – les « personnes âgées sont des personnes, comme toutes les autres, âgées » – pour finir par être totalement à côté de la réalité, puisque c’est sous-entendre qu’elles seules auraient un âge et que les autres n’en auraient pas.
Parce que quand seule une « catégorie » de personnes se voit ainsi dotée d’une caractéristique appartenant à toutes, il faut aller regarder de plus près. Et a minima noter ses différents effet : permettre aux autres adultes de se croire « non âgé·es », radicalement autres que tous·tes ces vieux·vieilles (comme « personnes de couleur » permet aux personnes blanches de se penser sans couleur) ; légitimer la catégorie ainsi créée, pourtant socialement plus qu’incertaine, et les personnes qui lui appartiennent, réunies par ce seul point commun d’avoir un « certain âge » ; commencer à banaliser le fait de lui faire subir des discriminations (en France, par exemple, les personnes handicapées de plus de 60 ans n’ont plus accès aux mêmes dispositifs d’aide que celles de moins de 60 ans) que les autres ne subissent pas du fait de l’âge, justement. L’âgisme.
Lequel, comme le racisme ou le sexisme, a toujours pour socle le fait de réduire chaque personne singulière a une de ses caractéristiques, puis de la rendre donc semblable à toutes les personnes qui la possèdent aussi. Et voici « les personnes âgées » qui seraient ceci ou cela comme « les femmes » ou « les noirs » seraient ceci ou cela.
Ces quelques raisons (1) sont largement suffisantes pour qu’il me paraisse plus que judicieux, pour ne pas cesser de mettre en valeur ces phénomènes, de parler de « personnes âgisées », exactement comme on parle en sociologie de personnes minorisées ou de personnes sexisées ou racisées, autrement dit à qui on impose ce qu’on n’impose pas aux autres, d’être identifiées, catégorisées, caricaturées et dominées par une de leurs caractéristiques.
Juliette Pellissier.
(1) Parmi les autres, une importante : permettre aussi ainsi de ne pas restreindre les phénomènes d’agisation aux adultes vieilles et vieux, puisque les adultes jeunes en sont également régulièrement victimes.
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