La Société de Réanimation de Langue Française (SRLF) a choisi d’aborder le délicat sujet de l’accueil des personnes en grand âge au sein des services de réanimation comme premier thème du cycle des petits déjeuners d’information qu’elle a prévu d’organiser pour organisés informer régulièrement la presse sur des problématiques au cœur des métiers de la réanimation.
En s’appuyant sur les résultats d’études spécifiques en cours et déjà analysées, la SRLF, société savante, en appelle à une réflexion et à un débat poussés afin d’établir des recommandations consensuelles d’admission en réanimation des personnes âgées de plus de 80 ans.
Etaient présents pour en discuter :
Le Professeur Bertrand Guidet, Président de la SRLF (voir notre interview)
Le Professeur Elie Azoulay, auteur d’études sur le vécu des familles, service de réanimation à l’hôpital Saint-Louis (lire notre article)
Le Dr Maïté Garrouste-Orgeas (Hôpital St Joseph, Paris) qui mène actuellement une étude auprès de patients en maisons de retraite et à domicile ayant pour objectif de connaître leurs souhaits en matière de prise en charge ou non en réanimation
L’augmentation des moyennes d’âge des patients, une problématique réelle pour les professionnels de la réanimation. Les chiffres sont là. En 2050, le nombre des personnes âgées de plus de 75 ans aura triplé sans qu’on ait aujourd’hui une bonne visibilité sur les moyens qui seront attribués aux services de réanimation pour assurer leurs missions.
Confrontés aux affres du tri des patients, de nombreux réanimateurs mènent des études pour savoir si le grand âge est un critère sélectif important à l’admission en réanimation. Les études doivent également permettre d’établir des critères d’admission adaptés au grand âge, dans le respect des souhaits des patients et de leurs familles ainsi qu’en fonction des contraintes des moyens auxquelles les hôpitaux sont soumis.
Une étude de 2006 démontre clairement que l’âge est un critère discriminant : 36 % des plus de 85 ans étaient refusés en réanimation, contre 23 % des 75-84 ans et 12 % des 18-44 ans.
L’étude Ice-Cub, menée en 2006 et 2007 sur plus de 50 000 patients de plus de 80 ans dans 15 hôpitaux franciliens et qui a inclus un total de 2646 patients après sélection, a confirmé ces résultats lors de la phase d’analyse, menée en 2008.
Sur huit personnes de plus de 80 ans qui vont aux urgences avec une indication potentielle d’admission en réanimation, deux ont été proposées par les urgentistes et une seule a été admise. « La sélection est très importante », a commenté le Professeur Guidet. En outre, les taux d’admission allaient de 8 à 40 % d’un service à l’autre, révélant une forte disparité géographique.
"Il est aujourd’hui nécessaire de déterminer des facteurs objectifs qui pourront permettre aux réanimateurs de prendre les bonnes décisions en accord avec les souhaits du patient et de ses proches", martèle la SRLF.
C’est également l’enjeu des services de réanimation, au cœur de l’organisation de l’hôpital, où les équipes poursuivent inlassablement les soins : les traitements curatifs sont parfois remplacés par des soins palliatifs, sans toutefois que l’acte de soin s’arrête.
Des éléments liés au patient mais aussi à l’organisation et à la structure de l’hôpital ont un impact sur la prise de décision d’admission en réanimation médicale de cette population âgée, particulièrement à risque de discrimination. Sur le terrain, ces éléments d’impact sont multiples :
disponibilité des lits en réanimation (étude prospective sur 4 mois à l’hôpital St Antoine : près de 7 % des lits étaient occupés par des patients qui étaient considérés comme « sortables », alors que des patients ne pouvaient pas être admis du fait de l’absence de lits disponibles. )
les contraintes financières ;
l’absence de techniques disponibles
la sévérité des patients et, plus globalement, leur évaluation gériatrique
le désir du patient et de sa famille, auquel les médecins accordent beaucoup d’importance.
La décision d’hospitaliser ou refuser un patient âgé peut avoir des conséquences importantes, pour lui et pour la société. Cette décision doit être prise en fonction du principe éthique de justice redistributive, par lequel on cherche à identifier les patients qui bénéficieront le plus du traitement.
La décision idéale devrait être éthique, équitable, non biaisée, transparente et homogène d’un centre à un autre. La décision d’admission en service de réanimation pourrait être facilitée par l’élaboration d’une liste de situations pathologiques relevant d’une indication d’admission en réanimation qui tienne compte des spécificités des sujets âgés.
Or, il n’existe actuellement aucune recommandation pour cette population particulièrement fragile. Il n’existe pas d’étude prospective évaluant le bénéfice de la réanimation pour cette catégorie de patients.
Et la personne âgée, quel avis a-t-elle ? Le Dr Maïté Garrouste-Orgeas qui officie à l’hôpital Saint-Joseph mène actuellement une étude composée de trois volets :
Le premier volet a consisté à comprendre la manière dont les réanimateurs sélectionnent l’accès ou non des personnes en grand âge en réanimation. Sur ce point, on rejoint les constatations de Bertrand Guidet.
Le second volet, très intéressant, indique que le taux de survie à 1an/2ans des patients qui ont pu être sauvés après un passage en réanimation est de 30 à 40 % ce qui est jugé comme assez positif par les professionnels.
Le volet en cours (60 entretiens sur 120 qui s’achèveront fin juin 2009) consiste à aller à la rencontre des personnes "en grand âge" au sein d’établissements ou chez elles et sur la base du volontariat. Parmi les points abordés, la peur ou non de la mort qui approche et les souhaits en matière de prise en charge par la réanimation. Un point qui ressort et qui sera mieux quantifié à la fin de l’étude concerne la relative absence d’échanges sur ce thème entre les patients et leur environnement personnel ou médical.
Il semblerait que les directives anticipées – qui ne sont pas en tout état de cause un acte notarié, mais un élément parmi d’autres de la réflexion - n’aient pas beaucoup de succès auprès de cette population, et que l’interprétation ne soit pas aisée.
Ces résultats permettront d’entreprendre le dernier volet qui consistera à confronter l’avis des patients et l’avis des réanimateurs en vue d’enrichir une réflexion éthique intégrant plus souvent qu’actuellement l’avis des patients.
Le Professeur Bertrand Guidet, en guise de conclusion, insister sur le fait que l’âge reste une donnée relative et que les bénéfices d’une prise en charge en réanimation sont dominés par les facteurs génétiques et le capital santé de chacun selon son hygiène de vie passée. Il n’en reste pas moins qu’il est maintenant prouvé que la bonne préparation des patients et de leurs familles aux contacts avec la réanimation et une bonne communication tout au long des épreuves de santé favorisent la survie et réduisent les stress post-traumatiques.
FG mis à jour le 17/03/2009
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