Tandis que se confirment dans les EHPAD des situations dramatiques (de très nombreux et rapides décès) amplifiés par les conditions lamentables, de pénurie grave de moyens, dans lesquels vivent ces établissements depuis des années, un philosophe connu, André Comte-Sponville, tient de douteux propos.
Certes, il est judicieux de rappeler comme il le fait que la santé n’est pas la seule valeur qui compte, que le sanitairement correct ne doit pas faire oublier les droits et libertés, et qu’on ne doit pas protéger les gens malgré eux...
Mais pourquoi faire de cette crise une bataille de la "guerre des âges", opposant ce qui serait actuellement fait "pour les vieux" à la crise économique qui va suivre (et qui dépend de nos décisions économico-politiques, faut-il le rappeler) qui ne toucherait que les jeunes !
Extraits de ses propos, rapportés sur le site de France Inter (https://www.franceinter.fr/idees/le-coup-de-gueule-du-philosophe-andre-comte-sponville-sur-l-apres-confinement ) et sur celui de Le Temps (https://www.letemps.ch/societe/andre-comtesponville-laisseznous-mourir-voulons) :
" Cent milliards d’euros, disait le Ministre des Finances mais il le dit lui-même, "c’est plus de dettes pour soigner plus de gens, pour sauver plus de vie". Très bien. Mais les vies qu’on sauve, ce sont essentiellement des vies de gens qui ont plus de 65 ans. Nos dettes, ce sont nos enfants qui vont les payer.
Le Président, pour lequel j’ai beaucoup de respect, disait "la priorité des priorités est de protéger les plus faibles". Il avait raison, comme propos circonstanciel pendant une épidémie. Les plus faibles, en l’occurrence, ce sont les plus vieux, les septuagénaires, les octogénaires."
[...]
" En quoi les 14 000 morts du Covid-19 sont-ils plus graves que les 150 000 morts du cancer ? Pourquoi devrais-je porter le deuil exclusivement des morts du coronavirus, dont la moyenne d’âge est de 81 ans ? Rappelons quand même que 95 % des morts du Covid-19 ont plus de 60 ans."
[...]
" Avec la récession économique qui découle du confinement, ce sont les jeunes qui vont payer le plus lourd tribut, que ce soit sous forme de chômage ou d’endettement. Sacrifier les jeunes à la santé des vieux, c’est une aberration."
[...]
"Ce sont nos enfants qui paieront la dette, pour une maladie dont il faut rappeler que l’âge moyen des décès qu’elle entraîne est de 81 ans. Traditionnellement, les parents se sacrifiaient pour leurs enfants. Nous sommes en train de faire l’inverse ! "
Etc.
...
Soulignons juste deux points :
Si le virus est responsable de toucher et de tuer un certains nombres de gens, quand on ne peut parvenir à les soigner, il n’est en rien responsable d’une crise économique. Il ne dépend que de décisions humaines (politiques) de faire que la pandémie ne soit pas suivie par une crise et que cette crise ne touche pas plus les jeunes que les autres catégories de la population.
Au-delà de l’opposition idiote et dangereuse entre "les jeunes sacrifiés" et les "vieux sauvés", de tels propos laissent entrevoir une conception de la valeur de la vie des personnes qui est fonction de leur âge. On la pensait, cette conception, chez les philosophes, enterrée avec les derniers philosophes nazis qui la professaient dans les années 30.
Il faut donc le rappeler : la valeur de la vie d’une personne ne dépend pas de son âge.
Ajout :
Comte-Sponville rejoint d’autres voix, dont celle du journaliste Christophe Barbier qui, dès février, lançait en ces termes la question sur bfm-tv : « Jusqu’où pour protéger la population on prend le risque d’une crise économique [...] mais à un moment donné pour sauver quelques vies de personnes très âgées, on va mettre au chômage quelques milliers de gens ? »
« Mais la vie n’a pas de prix », répartit la journaliste Adeline François.
Réponse de C. Barbier : « Et bah voilà ! La vie n’a pas de prix, mais elle a un coût pour l’économie. Et cet arbitrage là, dans l’ombre, dans la pénombre des cabinets ministériels, il faut bien à un moment donné l’envisager… »